Philippe Devos, l’amoureux du foie gras
19
Jan
2017
Par Catherine Goffin 19 janvier 2017 Catégories Boire et manger Pas de commentaires
Philippe Devos ? Ces prénom et nom ne vous disent rien ? Ils ont été longuement associés au foie gras de Lahérie. Après bien des étapes, Philippe a posé ses valises à Bastogne (après Herlinval) pour y travailler une large gamme de produits liés au foie gras.
De Verlaine à Herlinval
C’est en écoutant une émission radio consacrée au foie gras que Philippe a eu le déclic. L’envie lui prit de se lancer dans l’agro-alimentaire, de l’élevage jusqu’au produit fini.
A l’époque, seul Upignac faisait du foie gras en Belgique. « Je me suis dit qu’il y avait une place à prendre en Wallonie ». Philippe Devos a alors appris le métier en France, à côté de Saint-Sever, dans le département des Landes. « J’ai gavé mes 20 premiers canards dans une ancienne gaufrerie à Verlaine, entre Libramont et Neufchâteau. Et dès que je me suis présenté chez des restaurateurs, ils se sont réjouis de disposer d’un produit hyper-frais, tué la veille et servi sur leurs tables le lendemain. Ils m’ont rapidement fait confiance… ».
Des Rousses à Marche en passant par Lamorteau
Philippe a alors l’occasion d’acheter une ancienne ferme à Lahérie, au carrefour des deux autoroutes. Et la production explose. Puis l’AFSCA le pousse à construire un nouvel atelier. La grippe aviaire lui tombe dessus,…
« En 2006, j’ai tout arrêté. C’est un métier très dur. Ce n’est pas sans raison qu’il y a peu de producteurs. Il est difficile de prévoir le nombre de canetons à acheter car on ignore ce que l’on va vendre. A une époque, j’ai compté jusqu’à 7000 canards répartis dans 12 parcs sur 6 hectares. J’ai aussi eu GAIA sur le dos et des menaces de mort… Las de tout cela, je suis parti en France reprendre un resto aux Rousses puis j’ai racheté une ferme à Lamorteau mais ma compagne n’a pas adhéré à mon projet de refaire un atelier pour le foie gras et profiter de l’attrait touristique de la Gaume. J’ai tout plaqué pour aller au Venezuela où j’avais de la famille.
De retour, j’ai voulu ouvrir un restaurant à Marche, « J’aime », avec un atelier à l’arrière et de la vente en direct mais les travaux dans la ville et les banques ne m’ont guère aidés. J’ai alors loué à Herlinval l’atelier d’un ex-importateur d’écrevisses… ».
Le métier change
Pour Philippe, l’élevage et le gavage font partie du passé.
« Je suis seul et je ne peux donc pas tout faire. La distribution et la prospection exigent du temps. Impossible de tout réaliser de A à Z comme avant. Je préfère me focaliser sur peu de produits et bien les faire. Pour être rentable, il convient de réduire les frais de production. Or la matière première et les emballages restent chers. J’ai pour objectif d’être présent dans toute la Belgique avec des points de vente tous les 20 km. J’y travaille d’arrache-pied et cela évolue bien ».
En pièces détachées
Philippe Devos ne gave donc plus ses canards. Sa matière première principale, le foie cru, lui vient d’Espagne, de Hongrie et de France, ces deux derniers pays restant les plus réputés.
« Les canards arrivent en pièces détachées. Actuellement je prépare six variétés de terrines : foie gras, rillettes, pâté à l’Orval, pâté à la Rochefort, gésiers confits et boudin noir au foie gras. Et des magrets fumés, du cassoulet, des potées, du cou farci… Soit une trentaine de produits différents au total.
A côté de cela, je propose, sous l’appellation « Phil’Cuisine », une gamme de produits pour les bouchers et les marchés : lasagne de légumes et de saumon, parmentier de canard… Je distribue aussi des produits de la mer, ceux de la « Compagnie bretonne du poisson ».
La majorité de ma clientèle, ce sont des épiceries fines, des fromageries, des bouchers et charcutiers. Je livre un peu l’Horeca et je suis présent sur quelques foires et salons, comme « C’bon C’wallon » au Wex à Marche-en-Famenne et les marchés fermiers de Paliseul le premier vendredi du mois (Halle de Paliseul) et de Chassepierre chaque dimanche matin. »
Découvrir en vrai
Le pâté de canard à l’Orval primé !
Le concours « Epicures » a lieu en juin dans le cadre du salon professionnel de l’épicerie fine à Paris. Philippe Devos y a vu son pâté de canard à l’Orval récompensé par une médaille d’argent.
« Vu le prix d’inscription à ce concours, je n’ai présenté qu’un produit. C’est dommage car nos ventes de terrines ont augmenté de 78% par la suite. Même ma fille Jodie, cantatrice de son métier, fait la promotion de mes produits sur sa page Facebook ! »
Banalisation et stérilisation
Sur l’évolution du marché du foie gras, Philippe porte un regard expert : « De produit de luxe au départ, c’est devenu un produit banalisé parce que les prix ont chuté. De 1800 francs belges (45€) le kilo en cru au prix de gros en 1989 on est passé à 22 €, soit un prix divisé par deux pour un produit dont la qualité s’est améliorée. Le foie gras s’est démocratisé. Ces dix dernières années, on l’a vu partout !
Aujourd’hui je constate un léger recul. Peut-être un effet « écolo » et GAIA ? Des commerçants qui ont peur de perdre des clients en proposant ces produits ? Il n’empêche, chaque fin d’année, cela explose. Le particulier continue à en acheter et on en trouve partout. La demande grandit pour des produits qui se conservent, donc stérilisés, au détriment du foie gras au torchon ».
Voilà pourquoi Philippe privilégie la mise au point de petits pots de foie gras cuit en verrines. Et cela fonctionne super bien. « C’est un produit d’avenir. J’ai des demandes pour exporter des colis cadeaux en Chine. Des produits stérilisés (voir encadré), c’est la seule solution. Avant on travaillait local. Désormais nous envoyons par la poste même très loin… ».
S’il a fallu du temps pour que le consommateur accepte de voir passer le foie gras sous vide, l’idée ne passe pas encore bien qu’une escalope achetée congelée est de loin meilleure que celle qui a traîné dans un étalage.
Un bon foie gras ?
Et un bon foie gras, pour Philippe Devos, c’est quoi ?
« Un bon foie gras, c’est 50% le choix d’un produit de qualité et 50% une bonne préparation, qui rime pour moi avec cuisson, du sel, du poivre et un peu de Porto en ce qui me concerne. D’autres ajoutent de la muscade, un mélange de 4 épices, de l’Armagnac, du Cognac… Ou encore le marinent avec du Sauternes ou du Muscat Beaume de Venise… A chacun ses goûts. »
A entendre Philippe : « Dans un magasin, un foie gras reste souvent quelques jours dans le comptoir. Or sa structure se détériore au fil du temps vu qu’il s’agit d’une viande morte. Au bout d’une semaine, un tel foie gras se liquéfie à la cuisson. Au contraire d’un foie congelé. Grâce aux nouvelles méthodes de congélation, les escalopes calibrées sont mises à -40°. Le choc thermique est tel que les cellules restent intactes. Il suffit pour l’apprécier de le décongeler maximum 5 minutes et de le poêler. Le résultat, c’est un foie bon comme le jour de l’abattage ».
Découvrir en vrai
Phil’Cuisine
Philippe Devos 70/2, Rue de la Dréve 22A, 6600 Bastogne
0496 502 331 – www.philcuisine.com
Ouvert du lundi au vendredi de 8h30 à 16h30
Les points de vente suivants distribuent les produits siglés et signés Philippe Devos :