L’univers de Comès à Bastogne
16
Sep
2016
Par Catherine Goffin 16 septembre 2016 Catégories Découvrir et visiter Pas de commentaires
A Bastogne, une rétrospective Comès
Une grande exposition consacrée au dessinateur Comès primé en 1981 au festival d’Angoulême se tient au Musée en Piconrue à Bastogne. Ne tardez pas parce qu’elle se termine le 16 avril prochain!
Découvrir en vrai
Près de 300 dessins originaux et beaucoup d’inédits de cet artiste surnommé l’ « Hugo Pratt » ardennais sont présentés dans cette rétrospective. Privilège pour les lecteurs de notre revue Regards d’Ardenne (commandez ici!), un remarquable catalogue de près de 200 pages et abondamment illustré vous est offert si et seulement si vous répondez à quelques questions du concours que vous pouvez découvrir en cliquant ici (concours fini).
Une vision personnelle de l’Ardenne
Didier Comès est un maître belge de la B.D. fantastique et expressionniste. Il débute en 1969 dans le supplément jeunesse du journal Le Soir dans lequel il publie de nombreuses séries passant de gags humoristiques aux récits de science-fiction : les « Cheeses », les « Comèseries » ou « Hermann ».
Mais c’est avec son album « Silence » publié en 1979 dans la nouvelle revue « A suivre » qu’il atteint la notoriété et la reconnaissance des professionnels et du public. A partir de là, il opte définitivement pour le dessin en noir et blanc.
Cet album, comme le suivant intitulé « La Belette » sorti en 1981, plonge le lecteur dans une Ardenne sauvage. La nature y est souvent plus belle que le cœur des hommes repliés sur eux-mêmes. Comès nous fait entrer dans son univers étrange peuplé de rebouteux et de sorcières aux pratiques magico-religieuses, survivances de cultes anciens.
L’Ardenne comme un temple de la nature
Comès illustre avec bonheur l’Ardenne bleue de son enfance, celle qui s’étend d’Eupen à St-Vith, la région des Hautes-Fagnes couvertes de landes, de forêts d’épicéas et qui culmine au Signal de Botrange à 694 mètres. L’excellent dessinateur se plaît à représenter la faune et la flore particulières à ces vastes étendues, au climat rude et humide.
Dieter Comes est né à Sourbrodt, dans le canton de Malmédy qui constitue avec Eupen et St-Vith, ce que l’on appelle les cantons de l’Est. Devant ce décor naturel et forestier, Comès exprime son émerveillement et sa philosophie panthéiste considérant que « Dieu est dans tout ».
Autre fil rouge dans l’œuvre de Comès, sa double culture. Sa terre natale est marquée par la culture wallonne et germanophone. En effet, l’histoire complexe de ce petit territoire le propulse tantôt en Prusse en 1815, tantôt en Belgique en 1920. Les cantons de l’Est sont intégrés de force au troisième Reich durant la Seconde Guerre mondiale.
Ce contexte naturel et culturel transparaît dans les œuvres de Comès, dans ses grandes thématiques et jusque dans les plus petits détails comme le parc à gibier de La Reid, un terrible curé qui a défrayé la chronique régionale, une marque de cigares liégeoise « taf », des maisons à l’architecture typique… Et surtout, Comès relate les croyances magico-religieuses qui avaient cours sous le manteau dans ce pays très religieux, très sensible aux forces invisibles.
Des thématiques particulières
Dans un nouveau courant
L’œuvre singulière de Comès appartient à un courant nouveau et contestataire qui apparaît dans les années 60. De nouveaux dessinateurs prennent leur distance avec l’idéologie dominante et le cartésianisme. Ils prônent le retour à la nature et aux cultures anciennes transmises par un patrimoine essentiellement immatériel. Comès se passionne pour les croyances populaires, la magie, l’occultisme.
Un expressionniste
Il use de techniques empruntées à d’autres arts de l’image comme la photographie ou le cinéma : décomposition du mouvement, découpage du récit, champ et contre-champ, gros plans, plans d’ensemble, sur les cadrages différents, les angles de vue … pour installer le trouble, le mystère et le drame, pour nous révéler la psychologie des personnages.
Certains spécialistes de Comès ont étudié dans son œuvre les influences du cinéma d’ Hitchcock ou des films expressionnistes allemands. Comme son « idole » et ami Hugo Pratt, Didier Comès maîtrise la technique du noir et blanc. Avec lui, il partage le goût du mystère et de la mélancolie. Le dessin de Comès s’épure jusqu’à l’abstraction. Ils pratiquent tous les deux l’art de la synthèse graphique.
Piconrue un musée de l’homme
L’exposition consacrée à Comès témoigne de la démarche ethnographique de ce beau musée. Elle met en lumière les nombreuses références qui guident Comès dans la création de son univers empreint de sa profonde culture ardennaise. Elle propose un rapprochement entre ses dessins et les objets récoltés dans toute l’Ardenne.
Ne manquez pas de faire un tour, à l’issue de cette exposition, dans le nouveau parcours permanent intitulé « les âges de la vie ».
L’exposition permanente du Musée